Gobelins, trolls & dragons : création collaborative en OSR ?

Et si on jouait... à un jeu OSR, où la négociation des règles se ferait cartes sur table en même temps qu'une création collaborative ?

Dans les jeux de la mouvance OSR, j'aime les règles minimalistes qui sont prévues pour être complétées en jeu par la meneuse, qui est souvent invitée à prendre une position d'arbitre surplombant. C'est un exercice qu'il faut aimer mais qui amène un certain plaisir dans le game-design à la volée, tout comme le jeu de rôle est une écriture à la volée. Cela a le défaut de faire peser une certaine responsabilité sur les épaules de la meneuse, même si les techniques pour s'en sortir me paraissent bien démocratisées aujourd'hui. 

J'aimerais faire entrer les joueuses plus avant dans ce processus de négociation. Elles ont toujours leur mot à dire - mais non, attend, j'arrive par derrière, obligé que je l'égorge sans qu'il puisse riposter ! - mais ce canal est fortement dominé par la meneuse qui, à la fin, donnera ou inventera la règle à appliquer (que l'on parle d'une règle formelle ou d'une décision ad hoc qui ne sera peut-être jamais répétée). 

Partant de règles très basiques laissant une certaine flexibilité, je pense qu'on pourrait constituer ensemble toutes les règles importantes du jeu. Commençons avec un simple : "d20 + carac VS difficulté" et réfléchissons ensemble aux quelques briques que nous nous donnons. Les avantages sont-ils représentés par des dés supplémentaires à jeter ? par des bonus fixes ? par des dK ? Puis négocions chaque nouvelle règle, pour former petit à petit un corpus propre à la table. À charge de la meneuse de les utiliser et de les rendre ambivalentes : d'accord, si tu veux, les rapières comme la tienne sont des armes exceptionnelles qui infligent d12 dégâts, mais c'est aussi le cas des armes de ces ennemis qui te font face... Cela devrait participer à la fois de la démarche par laquelle la meneuse forge sa propre pratique de l'OSR, et par laquelle elle s'harmonise avec sa table. Côté joueuses, cela demande une agilité mentale pour alterner régulièrement les points de vues de la conception et du jeu, et forcément un certain intérêt pour les deux.

Cela pourrait se faire en même temps qu'une création collaborative d'univers, pour commencer une campagne ou une partie par une tempête de cerveaux qui fixe ce qu'on va jouer en même temps que comment on va jouer et sur quel ton. J'ai une idée que j'aimerais tester : commencer la séance par la création de 3 ennemis-types (Gobelin, Troll, Dragon), par la meneuse, visible des joueuses. Dans l'esprit,
+ le gobelin doit être un ennemi facile à affronter dès le début - seul, un PJ devrait avoir de bonnes chances de gagner ;
+ le troll devrait être coriace pour des personnages de niveau 1, mais jouable s'il affronte seul le groupe entier et qu'une stratégie a été pensée pour déjouer sa capacité spéciale (la régénération bloquée par le feu ou l'acide) ;
+ le dragon devrait être un adversaire mythique que l'on ne peut que fuir au niveau 1

Ces trois monstres pourraient changer complètement selon l'univers. Si c'est une campagne contre des monstres maritimes lovecraftiens, va pour un poissonoïde, un géant des mers et un kraken. Construire leur statblock en ouvert, c'est montrer à quoi il faut s'attendre, donner une première porte ouverte sur la façon dont on compte représenter la difficulté de la campagne - et la discuter en même temps avec la table. En quelques sortes, j'imagine transformer le fameux exemple du dragon à 16PV de Dungeon World en une règle de création.

En jeu, ils serviront de profil de base pour les monstres de la meneuse. Beaucoup d'habitué.e.s de l'OSR n'en ont pas besoin, mais à titre personnel c'est le genre d'outil qui m'aide bien. Je me base sur un nombre très restreints de profils typés et je change une stat ou un pouvoir pour obtenir quelque chose qui convienne à mon besoin. Ils seront aussi les monstres considérés comme habituels et bien connus des PJ, sans besoin d'infodump. 

Je ne sais pas quand j'aurai l'occasion de formaliser et tester cette méthode "gobelins, trolls & dragons" mais Macchiato Monsters (Eric Nieudan) me semble une bonne base pour tenter le coup, pour ses règles simples et très arbitrables. Dragon de Poche 2 (Le Grümph) également, puisqu'il propose déjà de travailler avec la matière que produisent les joueuses.

Et si on oublie toute la partie négociation et création collaborative, est-ce que présenter un donjonverse en dévoiler ses Gobelins / Trolls / Dragons (au sens : présenter un trio d'ennemis-types, quels qu'ils soient) ne serait pas une bonne idée ?