Et si on jouait... (7)

...une épopée douloureuse et acharnée, carte à la main, en quête d'un objectif sans cesse oublié et retrouvé, dans les forêts hantées de Millevaux ?

Quand cela paraît faisable, j'essaye d'accorder une importance ou une symbolique au papier dans les parties auxquelles je joue. Feuilles de personnage, aides de jeu, nous utilisons beaucoup de papier et c'est un matériau qui peut accueillir beaucoup plus de richesses que ce que nous en faisons : on peut agrafer, déchirer, couper, mouiller, froisser, colorier... J'en parlais ici, sur les défunts Ateliers imaginaires.

L'objet central, aujourd'hui, ce serait une carte. Une vraie carte, routière par exemple, ou plutôt la carte d'une ville, qu'on déploie - immense - au centre de la table de jeu. On note quelques premières choses dessus, par exemple des modifications liées à l'apocalypse forestière (la Forêt a fait croître les espaces verts au-delà de leurs limites prévues...). Puis la carte est amenée à évoluer : on se donne beaucoup d'outils - agrafeuse, feutres, stylos, ciseaux - et on encourage à lier l'histoire et l'évolution de la carte, créativité narrative et artistique.

Dans ce décor, on joue l'histoire d'un personnage solitaire, ou peut-être accompagné - d'une personne, d'un chien pourquoi pas, mais pas un véritable groupe. Il a un objectif à réaliser, plusieurs peut-être même, comme retrouver un proche disparu, revenir là où tout a commencé, trouver un sortilège pour maudire son ennemi. Une joueuse l'incarne, face à un MJ : face à face, dans une quête d'une difficulté infinie, qui dure plusieurs séances.

Et il y a un twist : l'Oubli frappe le personnage. Chaque séance, c'est une joueuse différente qui incarne l'errant, sans aucune autre information que la carte, sans même se souvenir de la quête. A la nouvelle joueuse de comprendre ce qu'elle faisait là, ce qu'elle essayait d'accomplir, et de laisser peut-être des indications pour la suivante. Peut-être même que le personnage ne sait pas écrire, et que la joueuse n'a donc pas le droit de noter des mots lorsqu'elle annote la carte.

La partie pourrait être motorisée par quelque chose d'OSR, comme par exemple Écorce, pour un résultat putride et survivaliste. Ou par Inflorenza Minima, pour quelque chose de moins terre à terre et plus déchirant, mais avec le risque que certaines conséquences paraissent gratuites ou invisibles parce qu'elles se déploient dans d'autres séances.

Un jeu d'exploration horrifique et putride, à la recherche d'une chimère déjà oubliée.